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  • Photo du rédacteurYann Cabello

Droit d'auteur et éligibilité

Dernière mise à jour : 19 nov. 2019

Voici encore un sujet bien épineux car pour y voir clair, il faut trier entre les interprétations partisanes des textes de loi (et parfois simples partis pris sans autre justification) de chacun. Mais si on s’efforce à l’honnêteté intellectuelle et à une lecture non partisane, les choses ne sont pas aussi simples. Pour ma part, j’ai consulté différents juristes et me suis efforcé à ne pas raisonner en tant que photographe soucieux de ses intérêts mais en tant que citoyen soucieux de comprendre les textes.


Les croyances fausses

1. Tout déclenchement accoucherait par défaut d’une œuvre photographique éligible au droit d’auteur et donc protégée par le CPI (Code de propriété intellectuelle). C’est le parti pris, globalement, des photographes et des syndicats, dont le but louable est la protection et la défense de la profession mais c'est une lecture partisane de la loi.

2. Les photos sur internet sont « libres de droits », c’est le parti pris abusif et intéressé de ceux qui ne veulent pas débourser un centime pour « de la photo ».


Les textes

Avant tout, il est important de préciser qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un statut fiscal pour être auteur au sens du CPI.


1. Le droit d’auteur :

Article L111-1 : "L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.

Sont considérés notamment comme oeuvres de l'esprit au sens du présent code :

"[…] 9° Les oeuvres photographiques et celles réalisées à l'aide de techniques analogues à la photographie."


2. Oeuvre photographique :

Il faut donc maintenant interroger le concept "d'oeuvre photographique" : Est-ce que tout déclenchement accouche d’une oeuvre photographique, donc éligible à la protection du droit d’auteur ? Clairement non, l’éligibilité au droit d’auteur est conditionnelle ; la condition d’originalité est évoquée en deux occasions dans les textes de loi.


3. Originalité :

Autrement dit, une photo est éligible au droit d’auteur si et seulement si elle est originale. C’est un concept très subjectif, dont les tribunaux peuvent s’emparer différemment… Mais en gros, le consensus serait plus ou moins celui-ci (attention, l'originalité dont il est question est à distinguer de "nouveauté" ou "inventivité") :

"Une photo originale résulte […] de choix libres et créatifs opérés par le photographe traduisant l’expression de sa personnalité."

Ou encore :

« Qu’il incombe à celui qui entend se prévaloir des droits de l’auteur de caractériser l’originalité de l’oeuvre revendiquée, c’est à dire de justifier de ce que cette oeuvre présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur »


Cour d’appel de Paris, pôle 5 – ch. 1, arrêt du 13 juin 2017


Même si les choix libres et créatifs qui expriment la personnalité du photographe sont bien souvent un postulat dans une pratique professionnelle, n’en demeure pas moins que l’éligibilité au droit d’auteur reste conditionnelle ; des photos sont déboutées en justice, il convient à mon sens, d’estimer l’originalité de chaque photo et savoir rester humble pour minimiser le risque encouru face à des gens toujours plus procéduriers.


4. Oui mais :

Il y a des niches photographiques pour lesquelles et parfois, l’originalité peut être très difficile à défendre :

- le packshot ultra basique sur fond uni et lumière homogène n’est pas le résultat de choix mais l’application des contraintes de la plateforme de diffusion (site e-commerce…) et le respect des codes en la matière (lumière homogène, angle, profondeur de champ…) ;

- l’application stricte d’un cahier des charges qui ne laisse aucune place aux choix personnels ;

- la photographie de plateau ;

- la photographie paparazzi ;

- le trombinoscope ;


… et toutes les photos pour lesquelles il n’y a pas de choix à proprement parler, ou des choix si minimalistes qu’ils peuvent être aisément contestables au tribunal. Un photographe n’est pas nécessairement « auteur », il peut être exécutant et embauché pour son expertise et sa capacité à suivre strictement un cahier des charges. L’expertise (le savoir-faire) n’ouvre pas au droit d’auteur.


En bref

1. Toutes les photos ne sont pas protégées, ne nécessitent pas d’accord préalable à l’utilisation et ne peuvent pas faire l’objet d’une cession de droits, qui nécessite un attribut patrimonial :


« Ce droit [d’auteur] comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. »


2. Toutes les photos sur internet ne sont pas « libres de droits » pour autant.


S’il est abusif, du point de vue des textes, de postuler que tous les déclenchements accouchent d’une œuvre photographique protégée, il l’est tout autant de présumer de l’absence d’originalité d'une photographie, surtout si l’on ne possède aucune culture photographique, de plus, il est assez simple pour l'auteur (au sens du CPI) sincère, de caractériser l'originalité de sa photographie.



photo d'illustration ©Jason Morrison


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